Le petit pourcentage de “j’ai pas eu de chance” - Oser parler, récits d'IVG Ep4

Lorsqu’elle a appris sa grossesse, Olivia s’est d’abord renseignée sur les sites du gouvernement avant de prendre rendez-vous chez un médecin.

Etellio - MMI Bordeaux

Le petit pourcentage de “j’ai pas eu de chance.” - Oser parler, récits d'IVG Episode 2

Transcription

Etellio : Oser parler, récits d’IVG est un podcast qui met en lumière différents parcours de femmes ayant vécu une Interruption Volontaire de Grossesse. Pour que les personnes concernées se sentent moins seules et pour montrer qu’il n’y a pas qu’une seule expérience possible mais bien la possibilité de choisir à de nombreuses étapes du parcours. Etellio est un projet étudiant, issu de l’IUT Bordeaux Montaigne visant à briser le silence autour de l’IVG.
Aujourd’hui, nous accueillons Olivia ! Elle fait partie du petit pourcentage de femmes qui sont tombées enceintes avec un préservatif. Bonjour Olivia, peux-tu nous raconter ton parcours ?

Olivia : Je pense que le parcours commence déjà lorsque tu apprends que tu es enceinte.

Etellio : Oui, déjà je pense que c'est ça.

Olivia : Donc à partir de là, en fonction de si tu peux, si tu en as envie ou non, les parcours sont différents. Pour moi c'était sûr que ce n'était pas possible, et donc ça m'a fait un choc assez violent, c'était très dur. Sachant que quand tu es sous contraception, c'est un petit peu la mauvaise surprise.

Etellio : Parce que tu as toujours dit, je fais attention… Même si tu sais qu'il y a un petit risque, je pense qu'en général tu as tendance à l’oublier.

Olivia : C'est ça, tu n'as pas trop envie d'être dans le petit pourcentage de « j'ai pas eu de chance ». Et quand tu tombes dedans, tu es en mode « ah oui, bon ben voilà ! ». Immédiatement, je me suis un peu renseignée sur les sites du gouvernement notamment, et j'ai vu qu'il fallait contacter un médecin, ou une médecin. La mienne ne pratique pas l'IVG, et donc elle m'a orientée vers, dans ma zone d'habitation en gros, plusieurs médecins qui, elles ou ils, pouvaient le faire. Le truc c'est que ça ne se fait pas tout de suite. Il faut une échographie de datation pour savoir si en fait on peut faire, ou pas, une IVG. Donc je suis allée faire une échographie. J'ai un peu paniqué, j'ai pris tous mes rendez-vous en même temps, ça s'est passé super vite ! Donc c'est très bien, j'ai eu un rendez-vous quelques jours après. J'ai passé un week-end à souffrir de la réalisation en fait du « ben en fait c'est vrai » et à me dire sur un malentendu en fait le test il est faux et c'est pas ça. Mais bon tout ton corps te crie en fait « bah si, et c'est la merde ».
Et donc, après ce week-end, je suis allée chez une échographiste, qui, elle, m'a fait entendre les battements de cœur. Truc qui normalement n'est plus trop permis, même légal il me semble pour les échographistes. Donc elle ne m'a pas du tout demandé quel était mon avis sur la grossesse, etc. Elle n'a pas demandé pourquoi est-ce que j'étais venue. Elle m'a immédiatement montré du coup effectivement le tout petit grain de riz, quoi. Et elle m'a montré les battements de cœur. Je ne les ai pas entendus, donc c'est bien. Mais je pense que c'est pire lorsqu'on entend.
Et déjà de voir quelque chose de vivant en fait, c'est terrifiant. Et ça active plein de choses, et c'est terrible. Elle m'a parlé de la date de naissance potentielle. Elle a vraiment été assez loin dans ce qu'elle n'avait pas le droit de me dire avant d'être sûre que je voulais conserver cette grossesse ! Et à partir du moment où je lui ai dit non, je ne souhaite pas la conserver, elle ne m'a plus regardée dans les yeux.
Voilà, donc c'est pour ça aussi que je pense que c'est important d'en parler, parce qu'il ne faut pas considérer ça comme normal. Ce n'est pas normal qu'on subisse ça.
Et donc sans la regarder, j'ai payé ma consultation et je suis repartie.
Heureusement, j'étais à assez peu de semaines pour pouvoir faire une IVG médicamenteuse parce que des témoignages que j'ai eus sur l'IVG chirurgicale, ça peut être très dur en fonction de, avec qui tu tombes, de comment tu te sens, quel rapport tu as avec ton corps, avec la grossesse, etc.
Donc pour moi, c'était sûr que c'était, si possible, IVG médicamenteuse.
Je suis tombée sur une gynécologue très, très bien, qui a été très bienveillante, très à l'écoute, qui m'a tout expliqué. J'avais une petite fiche pour chacun de nos rendez-vous avec qu'est ce que je faisais au prochain, etc.
On s'est vues une première fois pour voir, pour parler en fait, de pourquoi est ce que je veux faire [ndlr : l’IVG] ? Même pas, parce que je crois qu'elle ne m'a pas vraiment posé la question. Mais juste être sûre que oui, c'était ma décision, et elle l'a complètement respectée, mais aussi parler de comment c'est arrivé. Du coup, peut-être envisager un suivi pour la contraception après, pour changer, voir. Et donc ensuite, on a fixé un rendez-vous pour la première prise de médicaments parce que ça se fait en deux fois.
Et donc, quelques semaines plus tard, j'ai pris le... Enfin, je l'ai revue, et avec elle, pour le coup, elle le faisait dans son cabinet. J'ai pris le premier médicament et bon, donc douleur atroce toute la journée, etc.
Et puis, deux jours plus tard ou trois jours, je ne me souviens plus exactement, c'est la prise du second médicament.
Et puis ensuite, pour confirmer si ça s'est bien passé, c'est une prise de sang pour voir le taux de je ne sais plus exactement quoi. Il me semble que c'est le taux d'hormones de grossesse, justement, pour voir un peu où est ce qu'on en est. Et si ça a chuté, c’est que l’IVG a fonctionné. Si ça n’a pas fonctionné, c’est qu’il y a eu un problème. C'était une possibilité, qu'il y ait eu un problème.
Donc, tu as quand même ces pensées-là, de euh… J'ai beau prendre un médicament, potentiellement, il ne fonctionne pas. Donc, tu peux également stresser un petit peu de ça et c'est un petit peu difficile.
Mais sinon, pour moi, ça s'est très bien passé. Cette gynéco-là était formidable. Et puis, j'en garde pas un mauvais souvenir, entre guillemets. C'est pas agréable du tout, mais je suis très heureuse qu'en France, on puisse faire ça aussi vite. Et dans d’aussi bonnes conditions.

Etellio : Donc, est-ce que c’était un choix de ta part de prendre le premier médicament avec cette gynécologue ? Parce que je sais qu'on peut le faire chez soi. On t'avait proposé l'option ?

Olivia : Non, cette gynéco-là, elle m'a dit « Non, moi, je veux voir que le médicament est pris », etc. Et surtout qu’il y ait un petit peu… Je suis restée en salle d'attente un petit peu, pour que, au cas où il se passe quelque chose dans les 30 minutes qui ont suivi, elle puisse intervenir au besoin.

Etellio : C’est pas plus mal, c'est quand même rassurant un peu, de savoir que parce qu'en fait t'es pas toute seule chez toi.

Olivia : Non, oui, et puis c'est vraiment… T'es valorisée en tant que personne, en tant qu'humain. C'est à dire que potentiellement, il peut arriver quelque chose, mais t'as des gens derrière toi qui sont des connaisseurs, etc., et qui peuvent t'aider. Et donc, ça fait un peu plaisir quand même, surtout que c'est pas facile comme démarche !

Etellio : Et puis psychologiquement, c'est comme tu dis, surtout la première échographie de datation, c'est quand même très violent de montrer le battement de cœur ! Je trouve que quand tu dis à la personne que tu ne veux pas le garder, et qu’elle ne te regarde plus dans les yeux, tu te sens jugée un peu.

Olivia : Complètement. C'était, en gros, j'étais une mauvaise personne, quoi.

Etellio : Ce n'est pas du tout professionnel de faire ça, c'est tes choix. En tant que médecin, t’es sensée quand même avoir une distance, ce que tu penses n'est pas censé se refléter sur tes patients.

Olivia : Oui, j'ai l'impression que ce n'est pas le cas de tous les praticiens. Et surtout lorsque ça touche au corps des femmes, et bon… Mais non, ça a été très dur. J'avais mon copain avec moi lors de l'échographie de datation, et lui aussi était ultra choqué par ce qu'il voyait, parce qu'en fait, d'un coup, ça devenait presque trop réel, même si c'est important de voir qu'effectivement, il y a quelque chose. Mais malgré tout, on peut ne pas aller jusque-là, et, lui aussi, ça l'a choqué.

Etellio : Du coup, tu étais vraiment accompagnée tout le long du processus ?

Olivia : Oui. Oui, oui. Pas pour après la prise du médicament, je suis rentrée chez moi et là, pour le coup, j'étais toute seule, mon copain travaillait. Mais au-delà de ça, non, c'était pas un parcours toute seule, vraiment pas.

Etellio : Et après, t'as eu des effets secondaires ?

Olivia : J'ai eu des, physiquement en tous cas, des saignements pour après. C'est quand même relativement violent ce qu’il se passe dans l'utérus à ce moment-là !
Sinon, du soulagement. Ce n'est pas forcément un effet secondaire, mais psychologiquement, ça a fait, en tout, un mois à peu près où j'étais sous tension, absolument, où ça me taraudait. Je ne savais pas quand est-ce que ça s'arrêterait, et je me suis dit là, c'est bon, c'est fini, et je peux reprendre ma vie.

Etellio : Ça t’a enlevé comme un poids de stress.

Olivia : Complètement oui. Surtout que tu ne sais pas forcément à qui tu peux en parler. Moi j'ai pas osé en parler, par exemple, à mon père, dont je suis pourtant très proche. J'en ai parlé après coup, mais sur le moment je ne voulais pas du tout. Des amis, des gens auxquels je me confie sur certains sujets… Là pour le coup, je sais pas si c'est parce que la société nous renvoie que c'est un secret, mais en tout cas je ne me suis pas sentie capable de leur en parler. Et également, c'est parce que ça se passe vraiment dans une profonde intimité.

Etellio : Si c’est pas indiscret, t'étais sous quel type de contraception quand c'est arrivé ?

Olivia : J'ai eu des petits soucis gynécologiques déjà en plus avant, donc ça aide pas non plus pour l'IVG. Et j'étais juste sous préservatif.

Etellio : Oui. Donc dans tous les cas comme on dit, c'est que le pourcentage normalement il est très très très minime, donc on y pense pas.

Olivia : Parfois tu le sais, parfois tu peux prendre une pilule du lendemain parce qu'il y a eu un craquage, ou parce qu'il y a un truc. Et genre là, juste euh… Opération du Saint-Esprit quoi ! Je ne sais pas. Aucune idée.

Etellio : Et comment tu t'es rendue compte que t'étais enceinte ? Parce qu'il y a un retard de règles ?

Olivia : En fait, c'est un peu les symptômes dans mon corps. J'ai pas eu de nausées ou quoi. C'était trop... J'ai découvert que j'étais enceinte de genre un mois. Donc c'était vraiment le début. Mais en fait mon corps a réagi très vite. J'avais des douleurs, notamment au sein. C'était atroce. Et j'ai ça pendant mes SPM [ndlr : Syndrôme PréMenstruel]. Mais là c'était, ça a duré quoi ! Ouais c'était pas pareil. Ça a duré, et je me disais c'est bizarre quand même. Et mes règles qui arrivaient pas... Mais je ne suis pas régulière. Donc en même temps... Non mais c'est normal ! Parfois ça se retarde de deux semaines, trois semaines. Et c'est ok.

Etellio : Oui.

Olivia : Sauf que bah finalement non. C'était pas ok. Ouais au bout de trois semaines, un mois. Non trois semaines, ouais. J'ai fait le test en me disant il y a un truc pas normal qui se passe. Enfin en tout cas, je suis partie du principe que je flippe, je veux me débarrasser de cette peur. Je veux être sûre que c'est pas ça.

Etellio : C’est mieux de savoir que de rester dans le…

Olivia : C'est ça. Et manque de bol, c'était ça.

Etellio : Comme quoi, parfois il faut quand même savoir s’écouter des fois, et que quand on a un stress c’est quand même bien de savoir.

Olivia : Ouais c'est ça. Vraiment. Et puis voilà le corps qui en fait lui très vite se met à changer quoi. C'est impressionnant. Et il m'a fallu deux mois pour que les symptômes de grossesse... Un mois et demi, deux mois pour que les symptômes de grossesse disparaissent.

Etellio : Ah oui ! Et tu disais qu'au départ t'avais regardé sur le site du gouvernement l'info.

Olivia : Oui.

Etellio : Tu as trouvé ça très clair ?

Olivia : Je ne me souviens pas exactement mais effectivement j'ai pas approfondi parce que je connaissais déjà IVG médicamenteuse, IVG chirurgicale... Je suis des personnes sur Instagram notamment, des comptes qui en parlent, qui essaient de... Bah une femme qui a fait une pièce de théâtre sur l'IVG. J'étais un petit peu renseignée. Mais effectivement je ne savais pas exactement vers qui j'allais au départ. Est-ce que j'allais vers une gynéco immédiatement, médecin ? Et en fait ça c'est le site du gouvernement qui me l'a dit.

Etellio : D'accord. Oui. C'est vraiment un point de départ, tu t'en es servi pour savoir à qui s'adresser ?

Olivia : Oui c'est ça.

Etellio : Et après, comme tu étais déjà informée, tu savais déjà un peu les possibilités qui s'offraient à toi, IVG médicamenteuse…

Olivia : Ouais. Enfin… J'ai vérifié les délais en fait. Je voulais connaître les délais parce que du coup ça m'a dit bon bah médecin : échographie de datation. Du coup il faut passer par le médecin pour avoir l'ordonnance pour l'échographie de datation. Et puis après, bon bah en fonction de ça, c'est décisif en fait. Tes choix sont ou, limités, ou tu as les deux. Et bon moi j'avais vraiment pas envie de passer sur le billot. Donc médicamenteuse.

Etellio : Merci pour ton témoignage et merci à vous pour votre écoute ! Retrouvez nos récits d’IVG en écoutant nos autres podcasts et n’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez partager votre expérience !